Le japonais est une langue radicalement différente du français. C’est une langue où l’individu, le sujet, s’efface face au monde. Du moins, il reste au second plan.
Mais comment est-ce possible ? Comment peut-on s’exprimer et donc penser de cette façon ?
Découvrez cette manière originale de décrire le réel qui influence la perception du monde.
Transcription intégrale du podcast
[00:00] Bonjour à tous dans ce podcast de français intermédiaire. Aujourd’hui, nous allons parler du japonais. Mais avant, je voulais vous expliquer de manière très brève pourquoi je connais bien cette langue. Le japonais est une langue que je connais bien parce que c’est la première langue que j’ai apprise en autodidacte.
[00:27] Après avoir étudié le japonais pendant deux ans, dont un an en vivant au Japon, quand je suis rentré chez moi, j’avais toujours un niveau de débutant. Alors cela pour plusieurs raisons. Déjà le manque de travail régulier. Je ne travaillais pas assez régulièrement.
[00:48] Je travaillais le Japonais de temps en temps. Ensuite, j’utilisais toutes les mauvaises techniques possibles pour apprendre le japonais, comme apprendre la grammaire par cœur, faire des listes de vocabulaire, apprendre du vocabulaire sans en prendre conscience et raisonner en traduisant ce qui est très compliqué avec le japonais. Aussi, j’avais toujours peur de faire des erreurs quand je parlais avec des Japonais.
[01:17] J’étais très timide quand je devais parler en japonais. Du coup, je ne m’exprimais jamais. Je ne me lançais jamais et je n’ai pas progressé. Et la dernière raison, c’est que le japonais n’a rien à voir avec le français. C’est justement l’objet de ce podcast. Désolé pour cette longue introduction, mais c’était surtout pour vous dire que non, je ne parle pas couramment japonais et je ne voulais pas vous faire croire du contraire.
[01:49] Alors, ceci étant dit, qu’est-ce qui rend le Japonais si intéressant ? Déjà, le japonais, en tant que langue a un paradigme de pensée vraiment différent du français. Ça n’a absolument rien à voir. Par exemple, le japonais n’utilise pas le féminin, le masculin, mais ni le singulier et le pluriel. Par exemple, pour dire « un arbre » ou « des arbres », on utilisera le même mot et le même mot, sans jamais utiliser d’article.
[02:25] En japonais, il n’y a pas non plus d’article pour s’exprimer et déjà vous devez commencer à vous dire « mais comment c’est possible que ça fonctionne ? » Et c’est justement ce qui est incroyable avec cette langue, c’est que oui, ça fonctionne, mais ça prend du temps à comprendre la logique de la langue. Ensuite, le japonais est avant tout une langue contextuelle, c’est-à-dire qu’on peut s’exprimer sans utiliser le sujet.
[02:55] Alors il y a un mot, bien sûr, pour dire « je » Il y a aussi un mot qui veut dire « toi » ou « vous » pour désigner des gens et un mot pour dire « nous ». Mais ces pronoms peuvent très bien ne pas être utilisés quand on parle avec quelqu’un. Et c’est ce qu’on retrouve par exemple en français. Si je vous dis « une bière ? » vous comprenez bien que je suis en train de vous dire « est-ce que vous voulez une bière » et que je m’adresse à vous.
[03:25] Sauf qu’en japonais, dans 90 % du temps, c’est le contexte qui va faire comprendre pendant les conversations de qui et de quoi l’on parle. Mais ce qui est passionnant avant tout, à mon sens en japonais, c’est vraiment la manière de se placer par rapport au monde. Parce qu’on dit souvent que le français est construit de la manière « sujet, verbe, complément » et que le japonais est construit de la manière « sujet, complément, verbe ».
[04:01] Cette manière de présenter les choses ne rend pas la chose compréhensible. Ce qu’il faut avant tout comprendre, c’est que, en français, dans les langues latines, le sujet est le centre de la phrase. c’est le point le plus important de la phrase. On dira je, moi, j’apprends le français, je vais à la plage. Ma sœur m’a appelé. Le sujet est le centre de l’information, c’est pour ça qu’on l’exprime en premier. Eh bien, en japonais, c’est l’inverse.
[04:36] Le centre de l’information dans une phrase quand on s’exprime, quand on pense, quand on donne son opinion, quand on communique, c’est l’objet. Et ça change complètement tout. C’est-à-dire que, au lieu de dire « je lis un livre », on va dire « le livre est lu », au lieu de dire « j’apprends le français », on va dire « le français est appris » au lieu de dire « j’aime, moi, j’aime les études », « j’aime mes études à l’université », on dira plutôt « les études à l’université sont appréciées ».
[05:11] Sachant que même là, je suis en train de vous faire une traduction qui n’est pas littéralement exacte, parce que c’est impossible de traduire le japonais de manière littérale. Mais quand on dit « le livre est lu », on le dit sans auxiliaires être ou avoir, donc sans le verbe être ou avoir. Et le japonais est une langue qu’il est vraiment impossible de chercher à traduire littéralement. Et c’est ça que je trouve passionnant avec cette langue, c’est que quand on la découvre pour la première fois, on ne comprend rien.
[05:48] C’est vraiment une langue qui remet en question de manière intégrale votre manière de concevoir le monde. Si votre langue maternelle est par exemple l’anglais, l’espagnol ou l’allemand, ça n’a rien à voir et c’est absolument fascinant. Et ça fonctionne. Et ce que je crois, c’est que oui, effectivement, les langues influencent notre manière de penser. Et je crois que c’est ce qui peut expliquer ce trait de caractère dans la culture japonaise. C’est que, au Japon, l’humilité est très appréciée.
[06:24] Les Japonais sont très humbles et même si au Japon, on peut être individualiste. Finalement, dans l’éducation japonaise et dans la manière dont fonctionne la société, on ne cherche pas à évoluer pour soi, mais pour le bien-être de tous. Parce que quand on parle et quand on pense en japonais, on se rend compte que telle que la langue est construite, nous ne sommes qu’un détail du monde et non le centre du monde en tant qu’observateur.
[07:00] Donc ça change absolument tout. Et c’est par exemple ce qui peut expliquer que souvent on se moque des haïkus, des petits poèmes japonais qui ne font que quelques mots. Mais la vérité, c’est que derrière un haïku, un haïku peut être compris d’une trentaine de manières différentes. Et en fait, ces poèmes japonais, justement, jouent sur la langue japonaise, qui est ambiguë dans le sens qu’elle n’est pas précise.
[07:30] Elle ne cherche pas à donner une définition exacte à chaque mot. Ces poèmes japonais ont plein de sens différents et c’est impossible de les traduire. Et je crois que le seul moyen d’y être sensible, mais surtout de les comprendre, c’est d’être japonais. Voilà, je trouve ce sujet passionnant. Et vous, comment pensez-vous que votre langue maternelle influence votre manière de concevoir le monde ?
[07:58] Et vous qui apprenez le français, qu’est-ce que vous percevez dans le français de différent de votre langue maternelle ? N’hésitez pas à le dire dans les commentaires. Ça m’intéresse beaucoup parce que j’ai du mal à le comprendre moi-même, parce que mon point de référence est et sera toujours le français. Donc je suis né avec cette manière de voir le monde. Voilà, j’espère que ce podcast vous a plu. Vous retrouverez la transcription intégrale de ce podcast sur le site anyfrench.com.
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Passionnant, merci Frédéric, ça change le regard sur le monde ! Je vais tout de suite commencer à étudier le japonais…
Passionnant, je ne connaissais pas ces détails. Il y a tellement à apprendre. On trouve aussi pas mal de subtilités dans la langue arabe… et dans toutes les autres je pense. Merci pour ce partage